La saison des collations des grades est terminée. Des milliers de personnes finissantes, la tête bien pleine, le cœur fier et les yeux brillants d’aspiration se projettent vers l’avenir avec confiance. Une fois de plus, nos établissements ont rempli leur fonction fondamentale, celle de former des citoyennes et des citoyens aptes à contribuer à l’édification de sociétés plus justes et plus prospères. Une mission herculéenne.
Alors qu’il déroule le tapis de l’avenir devant les pas des étudiantes et des étudiants, l’enseignement supérieur canadien mène des combats de tous les instants et sur tous les fronts pour se maintenir et rester pertinent face aux nombreux défis émergents de notre monde.
Yvan Perrier, chargé de cours en relations industrielles et membre du Comité de mobilisation du SCCC-UQO, nous propose une série de trois articles pour marquer le trentième anniversaire du Syndicat. Ceci est le second article.
Le syndicalisme que nous pratiquons
Le syndicalisme que nous pratiquons au SCCC-UQO est un syndicalisme de type professionnel qui repose sur quatre principes fondamentaux : la pleine participation des membres aux décisions qui les concernent; l’adoption de propositions qui rallient la majorité des membres qui assistent aux nombreuses instances de notre syndicat; une négociation toujours menée de bonne foi de notre part avec notre employeur et l’adoption et l’exercice, au besoin, de moyens de pression pouvant aller jusqu’à la grève que nous avons exercée à au moins une reprise, en 2004, dans notre jeune histoire[1]. Nous reconnaissons également l’importance de ne pas nous définir isolément, en vase clos ou repliée sur nous-mêmes. Pour cette raison nous adhérons à la FNEEQ-CSN et c’est de manière coordonnée avec les autres syndicats de chargées et de chargés de cours que nous conduisons nos négociations lors du renouvellement de notre convention collective. Nous nous investissons également dans l’Intersyndicale de l’UQO (ISUQO). Au cours de notre histoire, nous avons pris position en faveur de la gratuité en éducation et nous n’avons pas hésité à mener des luttes pour exiger un meilleur financement de l’enseignement universitaire et une plus grande accessibilité au programme d’Assurance-emploi. À l’échelle continentale et internationale nous avons participé aux rencontres nord-américaines de la Coalition of Contingent Academic Labor (COCAL), au Forum social mondial (FSM) et à l’Internationale de l’éducation.
Parité et représentativité
Notre syndicat, au départ, était principalement et majoritairement une affaire d’hommes blancs. En trente ans les choses ont changé. Les femmes sont de plus en plus présentes et actives dans la vie associative du syndicat. Trois femmes d’ailleurs occupent actuellement cinq des postes de direction au SCCC-UQO. Il y a encore des avancées à réaliser sur le plan de notre représentativité en lien avec les groupes racisés et les membres des communautés identifiées à la diversité.
Où en sommes-nous?
De notre départ à aujourd’hui, nous sommes rendus à notre huitième convention collective. De personnes isolées, atomisées, sans véritables horizons d’avenir, nous nous sommes regroupées pour former une association collective incontournable et reconnue par l’employeur. Le chemin parcouru jusqu’à maintenant est impressionnant. Qu’on en juge par ce qui suit : de simples individus atomisés devant les directions de département disciplinaires nous avons imposé des règles en lien avec l’ancienneté du personnel. Notre 8e convention collective comporte plusieurs aspects qui réglementent l’attribution des cours, la supervision de stages en sciences de l’éducation, la reconnaissance des EQE, l’appréciation des enseignements, le traitement des plaintes. Il y a aussi des dispositions prometteuses pour l’avenir en lien avec la recherche, la collégialité et l’autonomie professionnelle. La récente pandémie de la COVID-19 a eu un effet accélérateur. Cette crise socio-sanitaire nous a obligé à inclure dans notre convention collective des dispositions concernant la formation à distance. Nous avons fait des gains sur le plan des salaires et avons effectué des percées en ce qui a trait à la retraite. Nous avons incontestablement réalisé des avancées réelles et également prometteuses pour l’avenir.
[1] Nous avons tenu quatre votes de grève au cours des trente dernières années : 2001, 2003, 2017 et 2023. Des votes qui ont toujours suscité l’adhésion en faveur par plus de 90% des membres présentes et présents.
L’UQO possède une double structure pour la gestion des affaires universitaires : le Module et le Département.
Le Module est responsable de la gestion des programmes de premier cycle. Il décide des contenus et des objectifs du cours; ceux-ci sont par la suite approuvés par le Département et la Commission des études. Le Module prépare l’offre de cours, veille aux inscriptions des étudiantes et des étudiants, gère leur dossier et procède à l’appréciation des enseignements par les étudiantes et étudiants, et à l’évaluation du contexte de l’enseignement par la personne chargée de cours. Le Module est sous l’autorité d’un directeur ou d’une directrice. Cette personne est appuyée d’un Conseil de module composé d’étudiantes et d’étudiants, de deux personnes chargées de cours, de professeurs et d’un représentant du milieu socioéconomique.
Le Département est responsable de l’aspect pédagogique de l’enseignement et des personnes-ressources qui enseignent les cours. De plus, il doit recruter et gérer le personnel enseignant (professeurs et personnes chargées de cours), et il doit assurer la qualité de l’enseignement dispensé. Le Département est dirigé par un directeur ou une directrice. Cette personne est appuyée par l’Assemblée départementale. Les orientations et politiques départementales sont définies par l’Assemblée départementale, composée des professeurs réguliers, suppléants et invités. Le directeur ou la directrice du Département est le supérieur immédiat des professeurs et des personnes chargées de cours.
Nous avons le regret de vous annoncer le décès de Kenneth George, chargé de cours en relations industrielles. Kenneth a enseigné à l’UQO pendant 37 ans, ce qui en faisait l’un de nos collègues ayant le plus d’ancienneté.
Kenneth était aussi un militant syndical, autant à l’UQO qu’à l’Université de Montréal où il était également chargé de cours. Il a représenté le SCCC-UQO au Comité sur l’intégrité dans les études et la prévention du plagiat. Nous nous souviendrons de ses interventions tranchées pendant les Assemblées générales. Pour Kenneth, il n’y avait pas de compromis à faire lorsque venait le temps de défendre les personnes chargées de cours!
C’est aussi un homme empathique et drôle que nous avons eu l’honneur de côtoyer pendant plusieurs années!
Le 12 mai 2023, la ministre de l’Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, a lancé un appel à mémoires concernant la réforme de la Politique québécoise de financement des universités. Une quarantaine d’universités, de syndicats, d’associations et d’organismes ont ainsi déposé un mémoire. Le Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQO (SCCC-UQO) ainsi que la CSN ont participé à l’exercice.
L’Université du Québec en Outaouais (UQO) a aussi déposé son mémoire. Plusieurs de ses recommandations sont légitimes. D’ailleurs, elles correspondent en grande partie à ce que réclame le SCCC-UQO. Cependant, l’une d’elles nous semble inquiétante. Ainsi, l’UQO réclame que la subvention gouvernementale soit maintenue en cas de conflit de travail.
Or, la perte de revenus pendant un conflit de travail, autant pour les travailleuses et les travailleurs que pour une entreprise, est un élément essentiel du rapport de force. Ainsi, tous ont un intérêt économique à éviter une grève ou un lock-out. Ce que l’UQO demande dans son mémoire, c’est l’absence de baisse de revenus, ce qui lui permettrait d’entretenir un conflit de travail à coûts nuls.
Pourtant, le monde universitaire québécois connaît une certaine paix industrielle. Exception faite de la longue grève des tutrices et tuteurs de la TÉLUQ en 2018 et, dans une moindre mesure, celle des professeures et des professeurs de l’Université Laval en 2023, les longs conflits de travail sont relativement peu fréquents.
C’est également le cas à l’UQO où les conflits de travail sont relativement rares. Ce n’est pas la grève de 10 h des professeures et des professeurs en 2018 qui démontrerait le contraire. Ainsi, nous pouvons nous demander d’où vient cette idée de l’Université de vouloir garantir ses revenus en cas de conflit de travail. Pour sa part, le SCCC-UQO n’a connu qu’une seule grève en 30 ans d’existence. Pourquoi? Parce que la grève demande un sacrifice énorme de la part des travailleuses et des travailleurs. C’est pourquoi on la surnomme « le moyen de pression ultime ».
La fin de la paix industrielle?
Maintenir la subvention en cas de grève ou de lock-out est susceptible de déséquilibrer le rapport de force au profit de l’Employeur. S’il n’y a pas pertes de revenus, pourquoi alors régler rapidement un conflit de travail?
Le SCCC-UQO a adopté, le 28 février dernier, un mandat de grève générale illimitée. Ce mandat n’a pas été appliqué car, dès le lendemain, une entente de principe survenait entre l’Université et le Syndicat. Si les règles budgétaires avaient été différentes, l’UQO aurait-elle laissé durer un conflit de travail? Le mémoire déposé semble répondre en partie à cette question.
Nous croyons donc qu’une éventuelle récupération des subventions en cas de grève ou de lock-out intensifierait les conflits de travail, autant dans leur nombre que dans leur durée. Une telle situation ne serait évidemment pas dans l’intérêt des étudiantes et des étudiants!
En somme, nous espérons que la ministre Pascale Déry ne sera pas réceptive à cette demande de l’UQO. La subvention gouvernementale doit servir à l’enseignement supérieur, à la recherche et à la création. Elle ne doit, en aucun cas, servir à entretenir une grève ou un lock-out.
Nicolas Harvey Vice-président aux communications du SCCC-UQO
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