FAÉCUM – À titre de représentantes et de représentants étudiants, nous sommes élus pour défendre les droits des 40 000 étudiantes et étudiants de l’UdeM. Nous avons le devoir de les protéger de toute injustice et de tout préjudice, et parfois aussi, malheureusement, de les protéger de leur propre institution. Si nous avons bien souvent les moyens de le faire, certaines situations sont hors de notre contrôle, et rien n’est plus révoltant que de constater une injustice sans pouvoir nous y attaquer. La FAÉCUM prend donc la parole afin de dénoncer une situation intolérable qui perdure depuis trop longtemps à l’Université de Montréal. Si nos mains sont liées, nos mots ne peuvent être censurés plus longtemps.
À l’UdeM, lorsqu’une étudiante ou un étudiant porte plainte contre un ou une membre du corps professoral, la personne mise en cause est généralement convoquée en comité de discipline. Or, ce comité de discipline est composé uniquement de professeures et de professeurs qui se jugent entre eux. Ce sont des « chums » qui jugent des « chums ». Le corps professoral est la seule catégorie de personnel à détenir un processus disciplinaire du genre à l’Université de Montréal, les autres répondant directement à leur employeur, soit l’UdeM. Il s’agit d’ailleurs d’une anomalie au Québec ; aucun autre corps professoral universitaire n’a droit à un tel traitement. Depuis des années, la FAÉCUM exhorte l’université et son personnel enseignant à corriger cette situation afin de garantir une équité de traitement pour l’ensemble de la communauté universitaire. Il nous semble tout à fait injustifié que le corps professoral bénéficie d’un traitement privilégié. Pour nombre d’offenses, notamment les violences physiques et à caractère sexuel, l’intimidation et le harcèlement psychologique, il est inconcevable que nos profs soient juges et parties de leur propre processus disciplinaire.
En mars dernier, l’adoption d’une nouvelle Charte pour l’Université de Montréal laissait entrevoir une ouverture pour instaurer un processus disciplinaire équitable et adéquat. Toutefois, malgré l’adoption de la Charte, l’obligation de négociation de bonne foi pour toutes les parties et la simplicité de la modification requise, rien ne bouge. Depuis plusieurs mois, toutes les justifications possibles sont invoquées, notamment par le Syndicat général des professeurs et des professeures de l’UdeM (SGPUM), afin de ralentir le processus de modification du comité de discipline. Le SGPUM justifie ses entraves en brandissant la carte des conditions de travail et des clauses de convention collective. Mais il fait erreur. L’impunité des profs en matière de violences sexuelles n’est pas un gain syndical. Résultat des courses : le statu quo persiste, les plaintes s’accumulent et les étudiantes et les étudiants sont forcés dans un processus opaque dans lequel ils n’ont pas confiance. Ne pas porter plainte devient la solution la plus simple, et la culture du silence s’enracine davantage sur notre campus.
Cette situation compromet même la mise en place imminente d’une politique institutionnelle de prévention des violences à caractère sexuel à l’UdeM, tel que le prescrit la Loi récemment adoptée à cet effet par l’Assemblée nationale. Si notre université se dote d’une politique pour prévenir les violences à caractère sexuel, mais continue de garantir un traitement de faveur au corps enseignant quand vient le temps de juger ses exactions, il nous sera impossible d’avoir confiance en ladite politique ni d’espérer qu’elle ait un impact réel pour traiter les cas de harcèlement et d’agression sexuelle.
Depuis près d’un an, le SGPUM suggère une alternative soi-disant sans faille, celle d’un comité indépendant pour juger les plaintes pour violence sexuelle. Or, cette proposition perpétue un traitement opaque des autres types d’offenses, ouvre une brèche dans la confidentialité du processus de plainte et remet en question l’imputabilité disciplinaire de l’université envers les victimes. Plutôt que de faire office de juge, un tel comité d’experts devrait être impliqué dans le processus d’enquête, laissant l’UdeM se saisir de ses responsabilités disciplinaires. Par ailleurs, depuis que cette alternative a été mise de l’avant, aucune proposition concrète ni action proactive de la part du SGPUM n’a été observée. Il semble que leur volonté de faire changer les choses s’arrête une fois qu’elle est exprimée.
Considérant qu’une modification réellement efficace du comité de discipline est simple à réaliser, et qu’elle n’aurait comme impact que de rendre le processus plus transparent, une question s’installe dans la tête des étudiantes et des étudiants : de quoi notre université et nos profs se protègent-ils ? S’ils n’ont rien à se reprocher, si leur feuille de route est immaculée, pourquoi s’opposent-ils à une correction de l’injustice dont ils bénéficient depuis trop longtemps ? Pourquoi entravent-ils la modification du processus disciplinaire ?
Leur inertie est inexplicable et elle maintient notre campus dans une culture d’opacité indigne des valeurs qui devraient plutôt nous être transmises, soient celles de justice, de transparence, de respect et d’équité.
Depuis belle lurette, on nous explique pourquoi il est impossible d’aller de l’avant, pourquoi les démarches s’éternisent, pourquoi nous devrons attendre une autre année, puis encore une autre. Nous en avons assez des justifications ; si c’est du temps qu’on tente d’acheter, nous ne jouerons désormais plus à ce jeu. Parce que pendant que le processus de modification stagne, la communauté étudiante continue de faire face à un choix révoltant : entamer un processus opaque indigne de confiance ou garder le silence.
Alors si une volonté est véritablement présente du côté de l’Université de Montréal et de son corps professoral, qu’ils se mettent au travail dès maintenant. Il y a urgence d’agir.
Autrement, qu’on réponde à notre question. Membres de la direction de l’UdeM, membres du corps professoral : de quoi vous protégez-vous ?
– Le bureau exécutif 2018-2019, FAÉCUM
Cette lettre a été publiée sur Facebook le 10 octobre 2018. Sa reproduction sur le site du SCCC-UQO a été autorisée par la FAÉCUM.
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